Réalisme animal : comment les animaux perçoivent le monde
Les études animales ont fait, ces deux dernières décennies, une percée spectaculaire dans les champs esthétiques et artistiques, répondant à un intérêt déjà ancien pour l’animalité, mais qui se révèle en pleine transformation. Et visuellement ? Où se situe l’art ? Dans l’observation consciencieuse ou dans la spéculation ? Comment sortir du régime anthropocentrique, de la logique de l’interspécificité ou de la coévolution ? Car ces processus passionnants qui émaillent la recherche actuelle n’avancent qu’à demi-mot un point de vue animal. Il faut tuer le suspense dès à présent : la tâche est impossible; mais l’extrapolation de l’une de ces possibilités ouvre déjà des mondes, bouleversant tous les repères épistémologiques actuellement actifs.
Ainsi, il est presque devenu courant de voir des artistes mimer, s’approprier des caractéristiques animales jusqu’à épouser leurs modes de vie, à l’instar du professeur et vétérinaire Charles Foster devenu tour à tour blaireau, loutre, cerf, renard et martinet dans l’espoir de mieux comprendre les animaux et transmettre une expérience sincère de ressenti animal1. L’artiste Français Abraham Poincheval dans un état d’esprit assez similaire se sera employé à hiberner dans un ours empaillé pendant treize jours (Dans la peau d’un ours, 2014) et à couver des œufs de poules en 2017 (Œuf), afin de vivre une expérience d’imprégnation extrême, à une différence cependant : sa vie de bête se déroulait alors dans un espace d’exposition et non plus en milieu naturel. Dans la sphère littéraire, Tristan Garcia2 s’est lancé dans l’invention d’un langage animal pour son primate Doogie,
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