Nathalie Heinich. L’amour de l’art et de la sociologie
La sociologue de l’art Nathalie Heinich provoque le débat autant qu’elle l’analyse. Alors que plusieurs doutent de son amour pour l’art contemporain, certains croient qu’elle a abandonné son illustre directeur de thèse, Pierre Bourdieu. À l’occasion de la sortie de son récent ouvrage, Le paradigme de l’art contemporain. Structures d’une révolution artistique (Gallimard, 2014), Laurent Vernet a rencontré, au nom de la revue ESPACE, cette auteure et intellectuelle française aussi prolifique qu’engagée. L’entretien est suivi d’un commentaire de Lise Lamarche, historienne de l’art. [Voir aussi : Intercalaire ou comment se mêler à la conversation de Lise Lamarche]
Quel objectif a soutenu la mise à jour du paradigme de l’art contemporain ?
Nathalie Heinich : J’avais amené l’idée qu’on devrait considérer l’art contemporain comme un genre parmi d’autres, et donc accepter une pluralité de critères d’association, une pluralité de modes de fonctionnement, de définitions de l’art. Déjà, cette idée avait heurté pas mal de spécialistes d’art contemporain, qui refusent absolument l’idée que l’art contemporain puisse être un genre et s’en tiennent à une définition chronologique, au risque de se retrouver dans des contradictions absurdes, parce que la définition chronologique ne tient pas. À l’heure actuelle, il y a toutes sortes d’expressions artistiques qui ne relèvent pas de l’art contemporain, tout en étant, du point de vue chronologique, contemporaines. C’est en repensant au travail de Thomas Kuhn, l’épistémologue, sur la notion de paradigme en sciences que je me suis dit : mais voilà un outil formidable,
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