La caverne illuminée. Les ombres jubilatoires de Dale Chihuly
Les hommes dont telle est la condition ne tiendraient
pour vrai absolument rien d’autre que les ombres projetées
par les objets fabriqués 1.
—Platon, Le mythe de la Caverne
Sur le vif. Juin 2013
Après avoir été accueillis par le Soleil flamboyant installé sur le parvis de la rue Sherbrooke, les visiteurs qui entrent au Musée des beaux-arts de Montréal sont introduits dans le fabuleux univers de Dale Chihuly où d’imposantes sculptures de verre, certaines mi-translucides d’autres opaques, projettent sur les murs, le sol et le plafond des ombres lumineuses qui se moquent des sombres mirages de la caverne platonicienne et des ténébreux clairs-obscurs qui s’en sont suivis à travers l’histoire de l’art. D’une luminescence aussi captivante que celle des structures, elles participent à part égale de l’espace architectonique insolite où objets et images spéculaires s’interpellent en écho jubilatoire.
Des deux côtés du miroir, la lumière et la couleur font leur oeuvre, et l’on n’a qu’à se réjouir des reflets multicolores exubérants. Même les gigantesques fleurs orangées semi-transparentes accrochées au quadrillé blanc de part et d’autre du magistral escalier du pavillon Homstein ne sont que les joyeuses ombres d’elles-mêmes, tout comme leurs jumelles empilées au-dessus du faux-plafond d’une alcôve qu’elles imprègnent d’une atmosphère semblable à celle des fastueux divans persans des Mille et Une Nuit. Grâce à un éclairage raffiné dans chacune des salles, c’est précisément cette réverbération réciproque du matériel et de l’immatériel qui transporte le visiteur vers un ailleurs ludique habité
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