FTA brouillé : sur le clair-obscur et d’autres obstacles épistémologiques
Le clair-obscur est une puissante métaphore épistémologique : par cette manière de contraster le lumineux et le sombre, par cette astuce esthétique qui cache des facettes de la réalité tout en en dévoilant et en en soulignant d’autres, des artistes ont, depuis de longs siècles, exprimé des idées sur la connaissance humaine et sur les limites de ce que l’on peut espérer savoir, notamment par la vue. Le philosophe anglais John Locke affirme, en 1689, dans son Essai sur l’entendement humain, que puisque « rien n’explique plus nettement la perception de l’Esprit que les mots qui ont rapport à la vue, nous comprendrons mieux ce qu’il faut entendre par la clarté et l’obscurité dans nos idées, si nous faisons réflexion sur ce qu’on appelle clair et obscur dans les objets de la vue[1] ». L’art visuel propose ainsi, par le clair-obscur, une bonne démonstration du fonctionnement et des obstacles de l’esprit humain.
Les arts de la scène peuvent, eux aussi, utiliser les ombres et les lumières pour aborder ces questions philosophiques et, à en juger par l’édition 2021 du Festival TransAmériques (FTA), le clair-obscur a actuellement la cote : au moins trois spectacles présentés à Montréal l’ont choisi comme pilier de leur esthétique. En cela, ces spectacles proposent un commentaire à la fois sur d’importants enjeux épistémologiques de leur propre médium – quelles informations doivent être données clairement au public ? Comment raconter, ou parfois brouiller, un récit ? Une visibilité limitée peut-elle être compensée par d’autres sens ? – et sur la longue histoire
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