Tomás Saraceno : orchestrer les relations interespèces
« Pour mettre fin à la désertification du cosmos, il aura fallu retisser les fils coupés de la matière à la vie,
des vivants aux hommes, des choses aux hybrides1. »
–Pierre Montebello
Au sein d’un écosystème tissé de relations avec d’autres entités animales, végétales, organiques, l’humanité n’a cessé d’accroître sa présence jusqu’à l’émergence du concept d’Anthropocène, nouvelle ère dans laquelle l’humanité, devenue la force géologique prédominante, menace d’entières écologies. Ce néologisme, apparu au tournant des années 2000, sous la plume du prix Nobel de chimie Paul Crutzen, s’est diffusé dans le sillage des penseurs de l’écocritique. Apparentés aux subaltern studies, les études animales, le réalisme spéculatif, l’ontologie orientée sur l’objet ont vu le jour dans la perspective d’une réconciliation des dualismes entre l’humain et l’animal. Fondé sur la pensée humaniste, l’anthropocentrisme occidental a positionné l’humain comme espèce supérieure, régulatrice de l’ordre du monde, plaçant l’animalité en dehors des caractéristiques du monde humain et la soumettant à un processus de domestication et d’exploitation sans précédent. À rebours de l’idée selon laquelle l’humanité serait placée dans un rapport de rupture ontologique vis-à-vis de l’animalité, Jean-Marie Schaeffer pense à une continuité entre les vivants et les hommes dans La fin de l’exception humaine2, redonnant toute sa légitimité au naturalisme.
Loin d’appliquer des normes anthropocentrées à la vie non humaine, l’artiste argentin Tomás Saraceno, dont la recherche se déploie à la croisée des arts, de la science et de l’architecture, tisse divers réseaux épistémiques et matériels pour repenser la
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