Mirna Boyadjian
N° 118 - hiver 2018

Que faire de nos blessures?


« Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge!1 » Cette ultime prière à la fin de Peau noire, masques blancs (1952) laisse supposer que Frantz Fanon avait pressenti le risque d’enfermement du sujet blessé. Il implore donc son corps de se laisser porter dans l’ouvert malgré la violence vécue du racisme. Cet appel n’est pas simplement un retour sur soi comme le remarque Judith Butler dans l’échange qu’elle poursuit avec l’anthropologue Athena Athanasiou sur les formes de la dépossession2.

Fanon s’adresse autant à sa vie qu’à celle de l’autre. « Nous aimerions que l’on sente comme nous la dimension ouverte de la conscience3 », écrit-il à la ligne précédente. Le « nous », engagé ici sur un mode prophétique, invoque une communauté à venir, tendue vers l’autre en ce sens que « Le nègre n’est pas. Pas plus que le Blanc4 ». Ainsi, le titre de ce présent texte Que faire de nos blessures signifierait comment faire pour que s’ouvrent nos blessures? Que peut l’art? Et plus précisément, par quels moyens les artistes s’y essaient-ils?

Donner à voir

L’ensemble de l’œuvre de l’artiste franco-algérien Kader Attia en appelle à une réflexion sur la blessure et sa possible réparation. On trouve notamment, dans son récent film Réfléchir la mémoire (2016), une métaphore qui exprime avec éloquence la hantise du trauma à travers le phénomène du membre fantôme. Cette affection touche les personnes ayant subi une


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Kader Attia, Reflecting Memory, 2016. Image tirée d’un film, projection video, monobande HD numérique, couleur et son. Galleria Continua; Galerie Krinzinger; Lehmann Maupin et Galerie Nagel Draxler. Avec l’aimable permission de l’artiste. Photo : Kader Attia.
Kader Attia, Reflecting Memory, 2016. Image tirée d’un film, projection video, monobande HD numérique, couleur et son. Galleria Continua; Galerie Krinzinger; Lehmann Maupin et Galerie Nagel Draxler. Avec l’aimable permission de l’artiste. Photo : Kader Attia.
Jean-François Boclé, Tu me copieras, 2004. Installation vidéo et sonore, DVD (vidéo difusée en boucle, durée : 27 min. 30 sec., tableau d’école mural noir, 270 x 110 x 30 cm (bois, charnières à piano, peinture pour tableau, écrits sur le tableau à la craie), casque audio suspendu, deux enceintes, le Code Noir avec préface de l’artiste difusé au public, dimensions variables. Avec l’aimable permission de Maëlle Galerie. © Jean-François Boclé/Adagp.
Jean-François Boclé, Tu me copieras, 2004. Installation vidéo et sonore, DVD (vidéo difusée en boucle, durée : 27 min. 30 sec., tableau d’école mural noir, 270 x 110 x 30 cm (bois, charnières à piano, peinture pour tableau, écrits sur le tableau à la craie), casque audio suspendu, deux enceintes, le Code Noir avec préface de l’artiste difusé au public, dimensions variables. Avec l’aimable permission de Maëlle Galerie. © Jean-François Boclé/Adagp.