Les possibles de la sculpture
« Du possible, sinon j’étouffe ! 1 »
Associée à la pensée de Gilles Deleuze et Félix Guattari, la citation mise en exergue renvoie tout autant à Sören Kierkegaard 2. Initiateur de l’existentialisme, Kierkegaard envisage le possible comme la sortie d’un réel « devenu nécessité ou banalité ». Comme modalité de l’existence, inscrite au coeur du sujet, le possible trouve alors son oxygène dans l’expérience religieuse. Il en va tout autrement chez nos deux auteurs pour qui le possible se déploie dans le domaine de l’esthétique, principalement au sein de la création artistique. Créer, c’est donc créer du possible. Comme « être de sensation », l’oeuvre d’art est un composé de percepts et d’affects transposant dans divers matériaux de nouvelles possibilités d’existence. Nous proposons ici une brève réflexion sur ces transformations dans le domaine des pratiques artistiques associées à la sculpture, plus spécifiquement sur quelques oeuvres récentes d’artistes de la nouvelle génération, celles de Chloé Desjardins, Dominic Papillon et Francis Arguin.
Avant d’y parvenir, il importe de rappeler que la sculpture moderne fait son apparition au sein des ateliers. C’est dans cet espace dédié au travail artistique que le sculpteur prendra ses distances face à l’artisan. Toutefois, ce déplacement de statut ne se fera pas sans le respect d’une tradition ayant pour principe l’imitation de la nature. Chez Winckelmann, l’un des premiers historiens de l’art, l’imitation de la belle nature demeure une exigence esthétique pour tout artiste voulant exceller dans son art 3. Par contre, imiter, souligne-t-il, n’est
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