Les mots et les corps : avec Nietzsche au FTA
FestivalTransAmériques 2021
Montréal
26 mai – 12 juin 2021
Traditionnellement, on distingue la danse et le théâtre, ces deux arts faux-jumeaux qui constituent ensemble la famille du Festival TransAmériques (FTA), par l’absence ou la présence des mots. Certes, on a connu, surtout dans les dernières décennies, des spectacles de danse fort bavards et du théâtre taciturne et gestuel, mais si l’on insiste à catégoriser les pièces de l’art de la scène comme le fait encore le FTA, on parle le plus souvent de « théâtre » quand il y a un texte que quelqu’un récite sur scène alors que la danse, elle, s’exprime surtout par les corps qui se meuvent.
En 1872, dans son premier grand ouvrage La naissance de la tragédie, Friedrich Nietzsche propose une catégorisation esthétique et médiale originale, en définissant deux pulsions artistiques nommées d’après deux divinités grecques, Apollon et Dionysos. Sa description de l’opéra wagnérien, la géniale fusion des deux éléments, laisse penser à une distinction apparentée à celle proposée plus haut : chez Wagner, c’est le livret – les mots du mythe – qui est apollinien, et la musique amène avec elle l’univers sauvage, ivre et extatique de Dionysos. Pour le philosophe allemand, le concept qui distingue le mieux ces deux facettes des œuvres artistiques est le principe d’individuation : dans le royaume d’Apollon, où règne la beauté disciplinée et harmonieuse, chaque élément, chaque personne, chaque chose conserve jalousement ses limites et son individualité séparée des autres, alors que chez Dionysos tout se mélange, tout se pénètre, tout
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