André-Louis Paré
N° 111 – automne 2015

Éric Van Essche (dir.), Aborder les bordures

Éric Van Essche (sous la direction de), Aborder les bordures. L’art contemporain et la question des frontières, Bruxelles, Éd. La lettre volée, coll. Essais, 2014, 299 pages. Ill. b/n.

Dans le domaine de l’art contemporain, la notion de frontière ne se limite pas uniquement à des considérations géopolitiques. Elle ne se réduit pas au problème de la migration devenue cruciale pour ceux et celles qui doivent, pour diverses raisons, envisager l’exil. Même si, dans son introduction, Éric Van Essche en fait mention, l’ensemble des textes réunis dans ce volume ne s’y réfère jamais. En effet, cet ouvrage, qui rassemble l’essentiel d’un colloque tenu à Bruxelles en avril 2010, propose surtout des contributions provenant de différentes disciplines (esthétique, histoire de l’art, philosophie, sociologie, etc.) et dont l’intérêt porte essentiellement sur les déplacements de frontières disciplinaires et les diverses problématiques qui peuvent surgir du moment où l’art contemporain se dit sans frontières1.

Sans doute, l’art contemporain, mais déjà les avant-gardes, questionne les limites imposées par les diverses disciplines reconnues par le système des beaux-arts. Certains artistes du mouvement Fluxus ont même souhaité éliminer la frontière « au nom d’un art et d’une vie confondus ». Mais cette volonté de fusionner l’art à d’autres domaines de la vie en société tend à élargir le territoire de l’art et, du coup, à rendre difficile sa reconnaissance pour le spectateur. Dans ces situations limitrophes, l’artiste est comme un transfuge se permettant de circuler entre différentes pratiques et disciplines (Denis Briand). Certains auteurs vont en témoigner en prenant pour exemple le documentaire lorsque celui-ci questionne la frontière entre réel et fiction (Aline Caillet et Anthony Fiant) ou le théâtre qui intervient dans le champ de la performance (Raya Baudinet-Lindberg). Or, ces nouvelles pratiques nécessitent sans doute une réflexion sur le plan de la réception des œuvres et a fortiori des spectateurs (Christian Ruby). Mais elles contribuent également à une « nouvelle conscience esthétique globale ». En tout cas, c’est ce à quoi nous convient des événements internationaux tels Africa Remix, les rencontres de Bamako 09 et la 11e biennale d’Istanbul. Cependant, même si l’art contemporain est en quelque sorte un laboratoire permettant de mettre en place une modernité spécifique au XXIe siècle, de nombreuses frontières persistent avant de « voir émerger une nouvelle conscience alter-moderne » (Sarah Gisoul).

En effet, les frontières sont souvent tenaces lorsqu’il s’agit de culture. Si elles sont souvent considérées comme des limites, sont-elles par ailleurs toujours néfastes ? Ne faut-il pas se méfier du « franchissement sans retenue des frontières ? » (Norbert Hilaire). Une chose semble toutefois certaine, c’est que la notion de frontière mérite de nouvelles approches engendrées par « une guérilla esthétique d’infiltration, voire d’alternatives au monde de l’art établi ». C’est dans cette perspective d’un changement de paradigme que la réflexion sur les frontières en art contemporain apparaît la plus féconde.

 

Éric Van Essche (sous la direction de), Aborder les bordures. L’art contemporain et la question des frontières, Bruxelles, Éd. La lettre volée, coll. Essais, 2014, 299 pages. Ill. b/n.

Éric Van Essche (sous la direction de), Aborder les bordures. L’art contemporain et la question des frontières, Bruxelles, Éd. La lettre volée, coll. Essais, 2014, 299 pages. Ill. b/n.

 


1. Les auteurs des textes publiés dans cet ouvrage ont pour nom : Marie-Laure Allain Bonilla, Pascale Ancel, Muriel Andrin, Denis Briand, Aline Caillet, Mariehaude Caraës, Laurent Courtens, Neli Dobreva, Jérôme Dupeyrat, Antony Fiant, Sarah Gilsoul, Norbert Hillaire, Raya Baudinet-Lindberg, Morad Montazami, Anne Penders, Lydie Rekow-Fond, Christian Ruby, Évelyne Toussaint, Tristan Trémeau et Éric Van Essche.