L’air du temps
Le souffle, celui que l’on produit à la suite de la respiration, s’avère vital. Le manque d’air, qu’il soit dû à une pathologie pulmonaire ou à un étouffement, volontaire ou non, peut devenir fatal. Alors que le besoin de manger peut attendre plusieurs jours, celui de respirer se doit d’être satisfait en quelques minutes. Bien qu’indispensable à la vie, la respiration a longtemps été négligée au sein de la pensée occidentale. C’est ce que rappelle la philosophe Luce Irigaray dans son livre L’oubli de l’air (Éd. de Minuit, 1983). Cette négligence serait, selon elle, concomitante de notre insouciance vis-à-vis du monde que l’on habite. Contrairement à l’Occident qui a misé principalement sur la perception, la spiritualité orientale, dont la médecine traditionnelle chinoise, reconnait la respiration comme principe de vie. Tout comme le poisson qui ne peut vivre hors de l’eau, l’être humain n’existe pas ailleurs que dans l’air. C’est pourquoi la conscience de la respiration s’avère essentielle à notre survie.
Dans un ouvrage intitulé Respire (Éd. Verdier, 2023), Marielle Macé, historienne de la littérature et essayiste, rappelle une évidence : pour respirer il faut de l’air qui soit d’abord respirable. En accord avec le philosophe Achille Mbembe, elle considère que la respiration constitue un droit universel1. Ce droit à une vie respirable implique aussi celui de respirer avec les autres. Or, cette co-respiration est désormais menacée partout sur la planète dès lors que 57 % de la population mondiale vit dans des zones urbaines. Une étude récente du département d’épidémiologie
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