L’homme et la machine dans la sculpture comme dans la guerre
Prologue
L’histoire de chaque forme artistique comporte des époques critiques, où elle tend à produire des effets qui ne pourront être obtenus sans effort qu’après modification du niveau technique, c’est-à-dire par une nouvelle forme artistique. C’est pourquoi les extravagances et les outrances qui se manifestent surtout aux époques de prétendue décadence naissent en réalité de ce qui constitue au coeur de l’art le centre des forces historiques le plus riche.
— Walter Benjamin (1939) 1
Si la sculpture est née du façonnage de la pierre, elle s’est depuis révélée à travers plusieurs matières, qu’elles soient dures ou molles, rigides ou flexibles, avec des techniques toujours renouvelées. C’est dans l’apparente porosité des spécificités de la sculpture que la considérer autrement dans son actualité mène, ici, à une réflexion sur l’intervention de l’homme sur la matière, dans un contexte sociopolitique conflictuel. Dans l’appropriation contemporaine des concepts de catastrophe et de conflit armé par la sculpture, Ben Jackel, Clint Neufeld et Charles Krafft rendent la part fragile à des objets empreints de robustesse et de masculinité. Les sculptures de ces trois artistes, marquées par les notions de machines, de catastrophes et de guerres, sont à la fois moteurs, gicleurs, tanks ou fusils tels des objets esthétisés, dépouillés de leur utilité première.
Pour Ben Jackel, l’utilisation du grès dans la construction de dispositifs de catastrophe et de guerre mène à la production d’objets chargés politiquement et déchargés technologiquement ; pour Clint Neufeld, ex-militaire, la transformation de moteurs en
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