André-Louis Paré
N° 109 – hiver 2015

Graeme Patterson. Secret Citadel

Graeme Patterson. Secret Citadel. Hamilton, Éd. Art Gallery of Hamilton et Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse, 2013, 200 p. Ill. couleur. Eng/Fra.

Ce magnifique catalogue accompagne l’exposition, actuellement en tournée canadienne, Secret Citadel de l’artiste Graeme Patterson (commissaires : Sarah Fillmore et Melissa Bennett). Abondamment illustré, le catalogue entièrement bilingue rend compte de quatre imposantes oeuvres sculpturales et du film d’animation Secret Citadel. Cet ensemble d’oeuvres, qui a demandé cinq ans d’élaboration, a de quoi surprendre puisqu’il est question de souvenirs liés à l’enfance et que ce rapport au passé est plutôt périlleux à montrer dans le domaine des arts visuels. Toutefois, les installations sculpturales, présentant notamment des dioramas, contribuent à la reconstitution de certains moments d’une vie passée, ceux où il est question d’amitié entre garçons et des souvenirs, heureux ou malheureux, qui y sont rattachés.

Les chapitres de l’ouvrage correspondent aux quatre installations exposées et à un entretien avec l’artiste. Le texte de Mike Landry est consacré à The Mountain, oeuvre qui réfère à la maison d’enfance de l’artiste et à celle de son ami Yuki, alors qu’il doit déménager. L’oeuvre intitulée Camp Wakonda est principalement composée de deux lits superposés. Entre les deux, une miniature montre une collision entre un autobus scolaire et une voiture. Louise Déry analyse surtout la relation entre le ludique et le tragique suggérée par la trame narrative de l’oeuvre. Dans son texte consacré à Grudge Match, Melissa Bennett évoque cette période de l’adolescence où les relations entre garçons s’amplifient grâce aux sports et au plaisir de  jouer ensemble. Enfin, le texte de Ray Cronin se concentre sur l’oeuvre qui conclut cette suite sculpturale, Player Piano Waltz. Dans celle-ci, c’est le monde adulte qui est symbolisé avec sa part de solitude.

Malgré les différences de points de vue exprimés par les auteurs, tous les textes rappellent l’importance du biographique dans l’oeuvre Secret Citadel. Ils soulignent chacun à leur façon « le riche terreau qu’est l’enfance », cette période de vie qui représente pour l’artiste un espace vital de création. Espace qui est toutefois compris par tous puisque cette expérience nous est essentiellement commune. Mais, en tant qu’oeuvre, Secret Citadel fait aussi une large part à la fiction. C’est que le rapport à l’enfance est aussi « une recréation ». C’est le cas à partir de l’animalisation, cette façon de transposer dans la figure d’un bison et d’un cougar « le potentiel fantastique » de l’oeuvre, dont le thème est l’amitié juvénile. Thème que Patterson est « l’un des rares à explorer avec attention ». En effet, contrairement à l’amour, l’amitié, comme relation à l’autre, a subi une dévalorisation avec l’avènement du christianisme. En mettant en scène « cet état de camaraderie et d’intimité qui caractérise cette relation entre garçons ». Secret Citadel suggère, peut-être, une « reconceptualisation de la masculinité ». Suggestion qui, dans l’oeuvre de Patterson, demeure toutefois ouverte puisque le secret de la citadelle est avant tout le fait que l’adulte devient « le tombeau de sa propre enfance ».

Un seul regret : la traduction de l’anglais vers le français est loin d’être entièrement satisfaisante.

 

Graeme Patterson. Secret Citadel. Hamilton, Éd. Art Gallery of Hamilton et Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse, 2013, 200 p. Ill. couleur. Eng/Fra.