Expérimenter les singularités : les autoportraits sous influence de Bryan Lewis Saunders
C’est dans un cours suivi à la East Tennessee State University que Bryan Lewis Saunders fut amené à s’interroger sur le rapport de l’artiste au monde. La thèse défendue par la majorité de ses collègues était que, généralement, les représentations artistiques résultaient d’un investissement de l’individu créateur : en peignant ses paysages, Van Gogh se peint lui-même. S’opposant à cette conception classique du style, Saunders a depuis cherché à faire l’inverse et, comme il l’écrit sur son site officiel, « mettre le monde extérieur dans des représentations de lui-même ». C’est ainsi que, le 30 mars 1995, il entreprend de se dessiner quotidiennement, cherchant chaque fois à inclure une parcelle de son environnement immédiat.
Ce projet, qu’il poursuit à ce jour (on dénombre plus de 11 200 autoportraits), se décline en une douzaine de sous-séries, certaines relevant d’une catégorisation a posteriori, d’autres voyant Saunders instaurer des protocoles expérimentaux par lesquels il cherche à modifier son état normal1. La première de ces situations particulières survient au gré d’un voyage lorsqu’avec un ami, il parcourt le Sentier des Appalaches, consignant ses expériences – découvertes, peurs, blessures, etc. – dans ses autoportraits quotidiens. C’est à son retour à Johnson City, au Tennessee, qu’il emménage dans le John Sevier Center, un immeuble de onze étages offrant des logements exigus à des prix dérisoires à une clientèle de vétérans, de personnes handicapées ou souffrant de troubles mentaux. Alors qu’il projette de réaliser un documentaire sur les résidents de l’immeuble, Saunders est abordé par un homme
…