Charlotte Fournier-Pilon, Micheline Leduc et Benoit Lord

Collectif Blanc, Imprimé/Intimité/Collection

Galerie UQO
Gatineau
15 janvier –
22 février 2020


 
Dès les premiers pas, l’exposition Imprimé/Intimité/Collection de Collectif Blanc, présentée à la Galerie UQO, plonge les visiteurs dans l’univers des livres. Une affirmation se déploie sur une grande affiche jaune à l’entrée : « Books are bananas ». L’exposition recrée une collection personnelle d’ouvrages et d’objets en tous genres, recueillis lors de voyages autour du monde et au fil du temps. Cette collection se dévoile sous la forme d’une bibliothèque éclatée. Les thématiques présentées occupent un territoire précis dans l’espace de la galerie. On y retrouve, entre autres, la botanique, la mer, le jeu, le mystique, ou encore l’érotisme. Revues, encyclopédies, volumes, romans, recueils de poésie, pièces de théâtre, grands classiques ou raretés inusitées s’offrent au regard et au toucher des visiteurs. Ces derniers sont invités à feuilleter tous ces livres. Ils réussiront peut-être à trouver les petites surprises dispersées de-ci, de-là à l’intérieur d’ouvrages choisis. D’autres objets possédant une matérialité distinctive sont agencés à des livres, en lien direct avec les thèmes de l’exposition. Tous ces éléments intentionnellement disposés suggèrent des gestes personnels, ceux d’un collectionneur fictif, et renforcent notre impression d’être plongé dans la bibliothèque et l’univers d’une personne à part entière.

Collectif Blanc, fondé en 2014, à Montréal, par Catherine Métayer et Marie Tourigny, est un organisme dont le principal objectif est de faire découvrir au public les multiples facettes qui composent l’art du livre comme l’édition et le design graphique. Il a pour objectif de favoriser les rencontres entre le public, les éditeurs, les designers graphiques, les artistes et les commissaires. Il cherche à présenter les publications papier sous un jour nouveau et à élargir la conception réelle ou imaginaire que les gens se font d’un livre. Ce message, le duo le diffuse par le biais d’expositions, comme les deux expositions présentées à la Galerie UQO : Édition/Forme/Expérimentation, présentée en 2016 1 », ou encore Imprimé/Intimité/Collection. Outre ses commissariats, le collectif réalise des projets d’édition et alimente quotidiennement un blogue.

En entrant dans l’exposition, le visiteur n’est pas face à des piles éparses de livres et d’objets intrigants. Ils sont disposés et classés stratégiquement sous la forme de différents îlots pour mettre en scène les pièces d’une maison : de la plus banale à la plus intime. Cette mise en exposition permet aux visiteurs d’être transportés dans un univers enveloppant, leur faisant découvrir, à travers plusieurs thèmes, les facettes que les gens n’osent pas toujours partager ouvertement. Plus on progresse dans l’espace, plus la vie intime de ce collectionneur fictif nous est dévoilée, et on peut découvrir ses secrets, au point même de se sentir quelque peu inconfortable, par moments, de déambuler ainsi dans l’intimité d’un inconnu. Le fait que le visiteur puisse se promener librement dans ce lieu personnel, toucher les objets présentés, les observer sous tous leurs angles, feuilleter des livres, les sentir et découvrir certains de leurs secrets, renforce ce sentiment d’immersion dans un monde intime, sans barrière ou gêne, si ce n’est sa propre appréhension d’accéder à un monde qui n’est pas le sien. Cette liberté permet une personnalisation de la visite et une expérience interactive des plus complète.

Tels des organismes vivants, les nombreux écosystèmes indépendants de l’exposition peuvent parfois se rejoindre et interagir les uns avec les autres. Une symbolique émerge, une analogie s’amorce entre l’endroit choisi dans l’espace et l’importance que chaque thème occupe dans la galerie. Ils sont proportionnels à la place que ces derniers prennent dans la vie publique des gens et combien ils sont prêts à les dévoiler ou plutôt à les garder pour eux. Parmi ces thèmes, le plus intrigant, occupant le plus grand espace, est celui portant sur la botanique. Il reprend visuellement et physiquement les caractéristiques du sujet sur lequel il porte. Les livres et les objets sont présentés sur une structure de bois dont la forme organique résonne avec l’aspect fluide des plantes. Le matériau privilégié et son origine naturelle s’harmonisent avec le thème. Les éléments sont disposés à la manière du positionnement des feuilles dans un arbre. On retrouve des objets qui symbolisent le thème abordé par exemple, de grandes plantes artificielles ou des petits pots contenant d’autres pousses. Une autre section intéressante est celle qui touche l’ésotérisme. Dans cette aire, on retrouve, par exemple, une table de Ouija, une bouteille en forme de crâne et bien d’autres objets et livres qui se rattachent visuellement ou thématiquement à ces sujets mystiques et spirituels. L’emplacement des sections, dans l’espace de la galerie, joue un rôle crucial dans leur interprétation. Ainsi, le segment botanique, qui porte sur un sujet accessible à tous les publics, est placé près de l’entrée, suivi par celui sur l’ésotérisme. En opposition, ceux sur d’autres sujets plus personnels et intimes, comme l’érotisme ou la famille, se situent plus en retrait au fond de la pièce.

Imprimé/Intimité/Collection offre une expérience immersive singulière. Elle est novatrice par sa façon de plonger le visiteur dans l’univers personnel qu’offrent les livres. L’exposition est une tranche de vie d’un propriétaire éventuel en étalant plusieurs sujets et leurs différents niveaux de lecture. Elle réussit à créer un environnement très personnel, englobant, interactif et accessible, tout en passant quelques subtils messages sur notre société moderne et ses petits travers. La présentation de livres dans un espace dédié aux œuvres d’art est inusitée, changeant notre perception de ces objets de diffusion, d’informations en des objets aux qualités matérielles intrinsèques. L’alliance entre le choix des dispositifs et la sélection minutieuse des objets présents sur place parvient efficacement à faire passer le message du Collectif Blanc : les livres sont des trésors précieux et extrêmement personnels qui font vivre à leurs lecteurs un voyage unique.

 
1.
Voir le compte rendu de Louise Brunet publié dans le n° 114 de la revue ESPACE art actuel, p. 80-82. [En ligne] : https://espaceartactuel.com/editionformeexperimentation-repenser-le-livre/
 


 
Charlotte Fournier-Pilon, Micheline Leduc et Benoit Lord sont un trio d’étudiants en design graphique à l’École multidisciplinaire de l’image de l’Université du Québec en Outaouais. Après de nombreuses collaborations dans le cadre de projets scolaires, ils forment une équipe dynamique et unique aux expériences variées et aux champs d’intérêt multiples, allant de la programmation web aux arts visuels en passant par la création vidéo, se rejoignant autour du vaste domaine du graphisme qui les passionne tous les trois.

Collectif blanc, vue partielle de l'exposition, galerie UQO, 2020. Photo : Jean-Michel Seminaro.
Collectif blanc, vue partielle de l'exposition, galerie UQO, 2020. Photo : Jean-Michel Seminaro.
Collectif blanc, vue partielle de l'exposition, galerie UQO, 2020. Photo : Jean-Michel Seminaro.
Collectif blanc, vue partielle de l'exposition, galerie UQO, 2020. Photo : Jean-Michel Seminaro.
Collectif blanc, vue partielle de l'exposition, galerie UQO, 2020. Photo : Jean-Michel Seminaro.
Collectif blanc, vue partielle de l'exposition, galerie UQO, 2020. Photo : Jean-Michel Seminaro.
Collectif blanc, vue partielle de l'exposition, galerie UQO, 2020. Photo : Jean-Michel Seminaro.
Collectif blanc, vue partielle de l'exposition, galerie UQO, 2020. Photo : Jean-Michel Seminaro.
Collectif blanc, vue partielle de l'exposition, galerie UQO, 2020. Photo : Jean-Michel Seminaro.