Du corps immobile dans un monde en mouvement
Ayant pour thème Faire statue, le dossier de cette édition inaugure le 30e anniversaire de la revue ESPACE art actuel. Cette thématique, codirigée par Mélanie Boucher, membre du comité de rédaction, mise essentiellement sur des actes performatifs dans lesquels les artistes s’identifient corps et âme à certains aspects de la statuaire. Cette posture artistique est sans doute présente dans de nombreuses performances d’artistes contemporains, mais notre dossier rappelle également que celle-ci a souvent été mise en scène dans les années 1960-1970. À chaque fois, selon la pose adoptée, des performeurs s’approprient le langage formel de la sculpture et ses dispositifs d’exposition. En maintenant cette position pour un temps, le corps de l’artiste éprouve inévitablement la relation entre l’immobilité et la mobilité. Mais à quoi rime l’image de ces corps immobiles dans un monde où sévit « la mobilisation planétaire 1 » ?
Fardé et costumé, érigé sur des socles ou autres piédestaux, le duo Gilbert & George, dans The Singing Sculpture, semble avoir délibérément expérimenté, pour la première fois, la tension qui se produit entre un corps inanimé et animé. Pourtant, ils ne sont pas les tout premiers à intégrer à leur démarche l’idée d’un corps chosifié. Yoko Ono, avec Cut Piece, Joseph Beuys, avec How to Explain a Picture to a Dead Hare ou Günter Brus, avec Vienna Walk, sont des exemples d’artistes appartenant à la première génération de performeurs à partir desquels la performance peut être envisagée dans son rapport à la sculpture.
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